L’effet boomerang

Eric Suchère – Galerie du Haut Pavé, Paris

 

BLAM

La peinture de Fabien Perani est grasse, très grasse et pleine d’effets, un surplus d’effets, une surabondance d’effets de surface et cette surabondance produirait la même impression qu’un texte qui serait bourré d’adjectifs : il ne pourrait en sortir, a priori, qu’une indigestion, à moins de penser que cette farce trop riche soit non seulement voulue – en cela un effet de style où l’indigestion est revendiquée – mais nécessaire, nécessitée par la peinture et par son sujet…

BLAM

La peinture de Fabien Perani est une peinture de sujets : des paysages principalement, des paysages de près, de face, traditionnels, des paysages de loin, de haut, façon Google Maps, des paysages décomposés façon puzzle, des paysages de peinture, souvent faussement naïfs ou dans une approximation enfantine de la représentation, des paysages tellement simples qu’ils en deviennent souvent abstraits, ne mettent plus en place que des signes, des équivalents lointains du paysage, que l’on lit comme paysages mais que l’on ne reconnaît plus vraiment comme tels…

BLAM

La peinture de Fabien Perani oppose à la vacuité des représentations et des images, des paysages et de leur multitude, le trop plein de leur exécution ou, plutôt, il comble la vacuité de ces images trop vues sur lesquelles on ne peut rien vraiment dire avec cette richesse exagérée des effets picturaux, du traitement de l’image : Houston Chicago (2005) avec ses irisations de sapin de Noël, Map (2008) avec sa croûte de litière peinte, Habitude (2007) avec l’opposition violente et non préparée de couleur et de noir, Offshore (2007) avec son effet de collage… Aucun effet n’est véritablement à lui, aucun effet ne pourrait caractériser ce que l’on appelle un style. Ils se déploient à volonté et l’on pourrait dire que Fabien Perani est, à lui seul, un logiciel de retouche d’images et les dernières peintures, comme La mer comme mesure (2010), les confrontent tous ensemble, ces effets, en composant un patchwork d’images donc de surfaces…

BLAM

La peinture de Fabien Perani réussit à créer, dans la relation entre l’image et des surfaces qui ne lui conviennent pas, dans l’idée de la multiplicité des surfaces, dans l’hétérogénéité de surfaces rendant compte d’une image souvent banale – quoique ! –, un formalisme – au sens littéral, pas au sens greenbergien du terme – figuratif ; un formalisme figuratif où l’image devient indifférente à condition qu’elle permette de créer des effets picturaux improbables. Ce travail provoque, ainsi, un effet boomerang. On croit juste voir une image et, en fait, on voit une peinture.

BLAM !

Éric Suchère, novembre 2010