De la friture sur la ligne

Olivier Pisella

 

patinir

Fabien Perani s’est attaché au fil des années à explorer le paysage sur le thème du fragment : interventions anthropiques sur la topographie, morcellement géométrique et appropriations territoriales à des fins utilitaires.

S’appuyant sur un cadrage particulier de La Fuite en Égypte de Joachim Patinir (1524), l’auteur développe ici la partialité de sa citation par un outrage interrogatif.

Comme un aveu d’impuissance face au poids des références, il s’efface en effet derrière des compositions en strates. Ainsi, la toile du maître, reproduite sommairement, vidée de ses personnages et de sa charge biblique, se voit-elle affublée d’un voile parasitaire qui fait écran – ferronnerie de pénis naïvement représentés, treillage de jardin, pièces de puzzle, barreaux –, invoquant tour à tour l’art optique, l’impressionnisme, le tag ou l’abstraction. Ou quand l’hommage se fait irrévérence.

Affectant la perspective atmosphérique voulue par Patinir, ces interférences constituent autant de lorgnettes par lesquelles le signal source est redéfini et la perception brouillée. Les altérations multiples, souvent triviales, dont Fabien Perani fait usage dans cette série, mettent en évidence notre appréciation parcellaire de la réalité et nous rappellent à quel point une perturbation minime peut affecter le regard à la manière d’une cataracte, diffracter la vision comme l’esprit, oblitérer notre potentielle compréhension de tout ordonnancement. Une série malicieuse et iconoclaste empreinte d’une forme d’humour désabusée.